[I was interviewed by Ayibo Post about the terribly sad devastation by
fire of the church adjoining the Palais Sans-Souci in Haiti's Milot,
outside Cap-Haïtien. Both structures sit beneath the magnificent
Citadelle Laferrière, built by Henri Christophe between 1805 and 1820. MD]
L’église de Milot qui vient de prendre feu est un monument unique
Ayibo Post
(Read the original article here.)
L’église de Milot, patrimoine historique du pays construit entre 1810 et 1813, a pris feu ce 13 avril 2020, l’année de la célébration du bicentenaire de la mort du roi bâtisseur
L’église de Milot qui vient de prendre feu est un monument unique
Ayibo Post
(Read the original article here.)
L’église de Milot, patrimoine historique du pays construit entre 1810 et 1813, a pris feu ce 13 avril 2020, l’année de la célébration du bicentenaire de la mort du roi bâtisseur
Le roi Henri 1er doit se retourner dans
la tombe dans laquelle il repose depuis 200 ans. Son église, la chapelle
royale de Milot classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, a connu un
incendie ce matin du 13 avril 2020. Les préparations pour la
commémoration de la mort du roi prennent donc un grand coup. Le
patrimoine historique du pays aussi.
« C’est désolant, regrette Erol Josué,
directeur du Bureau national d’ethnologie (BNE). Je connais la chapelle,
je vais souvent à Milot dans le cadre de mon travail sur la
préservation du patrimoine immatériel. C’est une perte importante. »
Télémaque Henri Claude, l’un des maires
de la commune de Milo, déplore aussi cet incident regrettable. « Cela
s’est passé entre minuit et deux heures du matin, estime-t-il. La
population a donné l’alarme, l’église était déjà en feu. Maintenant nous
ne pouvons plus parler de chapelle de Milot, mais de ruines. Nous avons
fait un grand pas en arrière »
La commune de Milot ne dispose d’aucun
service d’incendie. Les camions des sapeurs-pompiers qui ont accouru sur
les lieux venaient du Cap-Haïtien, à plus de 15 kilomètres de la
commune.
« Les pompiers ont fait de leur mieux,
assure le maire. Mais quand ils sont arrivés, il n’y avait pas moyen
d’éclairer la scène pour qu’ils puissent mieux travailler. De plus,
l’église est située en hauteur, et les pompiers ne pouvaient pas amener
l’eau jusque-là. »
Incendie criminel ?
Il est encore trop tôt pour déterminer
l’origine de l’incendie. Mais toutes les pistes sont ouvertes. « En
général, c’est une zone où les gens restent tard. À cause du couvre-feu
imposé pour le coronavirus, dit Télémaque Henri Claude, il n’y avait
pratiquement personne aux alentours de l’église à cette heure. Tout le
monde était rentré. Nous ne pouvons donc pas savoir ce qui s’est
réellement passé, et c’est une enquête qui pourra le déterminer. Mais ce
serait regrettable que le feu soit volontaire. »
Frédérick Mangonès est architecte. Il a
passé plus de 20 ans de sa carrière à restaurer la citadelle Laferrière
et le Palais Sans-souci, classés au patrimoine mondial de l’humanité.
« On ne peut évidemment pas encore déterminer ce qui s’est passé,
dit-il, mais il y avait une installation électrique dans le dôme. Il est
construit en bois. Mais il n’y avait même pas un extincteur dans
l’église ; cela pose le problème de la sécurité dans nos monuments
historiques. »
Selon le maire de Milot, il y a des
agents de sécurité sur le site, car l’église fait partie du Parc
national historique, dans lequel on retrouve aussi la citadelle
Laferrière et le palais Sans Souci.
Des actes de vandalisme auraient aussi
été dirigés contre la citadelle Laferrière, rapporte Erol Josué, ce qui
lui fait craindre un acte prémédité. « La porte vitrée du musée de
l’artillerie, l’un des plus grands de la Caraïbe, a été brisée samedi
soir », informe le directeur du BNE.
Le dôme, un bijou d’architecture
L’architecte Frédérick Mangonès mêle sa
voix au concert de dénonciation de l’incendie. « L’église de Milot est
la seule dans le pays qui a cette structure circulaire. Le dôme qui la
recouvre est particulièrement bien fait, même si ce n’est pas
l’original. »
« Pour l’époque où le dôme a été
construit, c’était un vrai tour de force, comme beaucoup d’autres
aspects de l’architecture du palais Sans Souci. »
Ce premier dôme était en très mauvais
état. Les Américains, sous l’occupation, et peu avant leur départ, l’ont
reconstruit. « Ils ont fait du bon travail, et l’ont remplacé par une
structure moderne, en bois, dit-il. Cependant, je crois qu’il était
disproportionné par rapport à la base. L’architecte qui a construit le
palais Sans Souci est de toute évidence un professionnel de premier
ordre. Je ne crois pas qu’il avait construit un dôme aussi grand. »
Le dôme de l’église allait bientôt être
restauré. « Il y a consensus qu’il fallait le restaurer, continue
Frédérick Mangonès. Mais le débat portait surtout sur ses proportions.
Personnellement, je pensais qu’il en fallait un nouveau, adapté
proportionnellement à la base. »
L’église de Milot, en plus de sa portée
historique, aurait une signification ésotérique dans son architecture.
L’ingénieur Claude Prépetit, dans un article,
a fait une « étude symbolique », c’est-à-dire une « analyse rigoureuse
des nombres et des formes sacrés habilement dissimulés » dans
l’architecture de l’église. L’ingénieur, connu surtout pour ses travaux
sur les séismes, se demande si l’église de Milot n’est pas « un
catalyseur de la conscience humaine et des énergies de la nature qui
émettait des ondes de formes positives et bénéfiques au royaume du roi
Henri. »
Restaurer le patrimoine
L’incendie de l’église Milot met la
lumière sur les faiblesses du pays en termes de protection du patrimoine
matériel et immatériel. L’UNESCO et l’Institut de sauvegarde du
patrimoine national (ISPAN) ont un programme en commun de restauration
de certains sites comme le Parc national historique.
« Dans les autres pays de la région, les
sites sont mis en valeur, dit Frédérick Mangonès. Chez nous, les moyens
mis à la disposition de l’ISPAN sont une goutte d’eau comparée à la mer
de ce qu’il faut réaliser. L’ISPAN a fait un inventaire des sites du
pays. Il ne s’agit pas seulement des architectures militaires, mais
aussi des systèmes civils comme les aqueducs, etc. »
Erol Josué croit que les responsables de
l’État ont un grand rôle à jouer pour éviter que ces incidents se
reproduisent. « Nous nous occupons tout le temps de politique, nous
n’allons pas au rythme de la société, pour grandir, dit le directeur du
BNE. Il y a un lien entre l’ignorance des gens et la protection du
patrimoine. Cet incident nous affaiblit encore plus. Nous avons beaucoup
de sites historiques, mais nous n’avons pas assez pour qu’ils soient
détruits. »
Le Parc national historique est
important pour le secteur déjà affaibli du tourisme. Michael Deibert, un
journaliste, auteur et professeur invité à l’université de Lisbonne a
travaillé pendant plus de 20 ans en Haïti. Il croit que l’importance de
ce parc va au-delà du pays. « La citadelle Laferrière et le Palais Sans
Souci sont parmi les monuments historiques les plus importants de
l’hémisphère Nord », dit-il.
« C’est là que l’abolition de
l’esclavage a commencé en Amérique, continue-t-il. Visiter le nord
d’Haïti, et comprendre le courage de ceux qui se sont révoltés contre ce
système infernal est une profonde et bouleversante expérience. »
Widlore Mérancourt a participé à ce reportage.